Alarme concernant la mise sur le marché de la 6-méthyl-nicotine dans des cigarettes électroniques jetables

Image 1: Structures chimiques de la (S)-nicotine (à gauche), la forme principale de nicotine dans le tabac et du (S)-6-méthyl nicotine (à droite), commercialisée sous la marque 'Metatine', avec une substitution d'un groupe méthyle (en bleu) en position 6 du cycle pyridine (positions numérotées en vert). L'astérisque rouge indique le centre chiral de la nicotine. .[ii]

Avec la 6-méthyl-nicotine (6-MN) nous faisons face à une substance chimique développée en laboratoire, qui n’est pas de la nicotine au sens stricte du terme, mais qui a été construite afin d’imiter, voir de renforcer, les effets psychotropes de la nicotine.

Nicotine : La nicotine est un composé naturel principalement trouvé dans les plantes de tabac. Elle est composée de deux anneaux : un anneau pyridine et un anneau pyrrolidine. Dans la plante de tabac (Nicotiana tabacum), la (S)-nicotine constitue environ 99 % à 100 % de la nicotine totale. La (R)-nicotine est soit absente, soit présente en quantités négligeables (<1 %).

6-Méthyl-nicotine : La 6-MN est une variante synthétique de la nicotine où un groupe méthyle est ajouté à la position 6 de l'anneau pyridine de la molécule de nicotine. Cette modification peut influencer la manière dont la molécule interagit avec les récepteurs et d'autres cibles biologiques. Comme la nicotine, la 6-MN agit en se liant aux récepteurs nicotiniques dans le corps humain. Cette interaction pourrait être plus forte, suggérant un potentiel addictif supérieur à celui de la nicotine. Alors qu'une étude sponsorisée par un fabricant affirmait que la 6-MN pourrait être moins addictive que la nicotine,[iii] des études pharmacologiques antérieures ont démontré que la nicotine 6-méthyle est trois fois plus puissante pour remplacer la nicotine [3H] des membranes cérébrales de rats et cinq fois plus puissante pour provoquer un comportement de prostration.[iv] La 6-MN est par ailleurs toujours présente sous forme de sels, qui facilitent l’absorption de la substance par le cerveau.

Les effets pharmacologiques de la 6-MN seraient plus intenses que ceux de la nicotine, en particulier en ce qui concerne le niveau de satisfaction ressenti par les utilisateurs. Par exemple, une concentration de 1 mg/ml de 6-MN produirait un effet aussi satisfaisant que 3 mg/ml de nicotine. La 6-MN est également plus toxique que la nicotine. Des études sur des rats ont montré que la dose létale médiane (LD50), soit la dose nécessaire pour tuer 50 % des sujets testés, de la 6-MN est jusqu'à trois fois inférieure à celle de la nicotine, indiquant que la 6-MN peut être toxique à des doses bien moindres.

La 6-MN est entièrement synthétisée en laboratoire à partir de composés chimiques. Des brevets récents décrivent les méthodes de synthèse de la 6-MN à partir de sources pétrochimiques. Shenzhen Zinwi Biotech, un leader dans la fabrication de e-liquides en Chine, détient un de ces brevets et a sponsorisé une étude toxicologique à l'Université pharmaceutique de Guangdong. L'étude a révélé que la 6-MN présente une cytotoxicité plus élevée que la nicotine traditionnelle dans les cellules épithéliales bronchiques humaines, bien qu'elle semble avoir des effets plus modérés sur les protéines associées au cancer du poumon.[v] Ces conclusions sont très préoccupantes, surtout venant d'une étude financée directement par l'industrie qui commercialise cette substance.

Une autre étude récente, cette fois indépendante de l'industrie, tire des conclusions explicitement plus préoccupantes concernant la 6-MN. Cette étude met en lumière les risques toxicologiques associés à la 6-MN, de plus en plus utilisée dans les produits de cigarettes électroniques. Les résultats montrent que la 6-MN induit une production accrue d'espèces réactives de l'oxygène (ERO) dans l'aérosol de la cigarette électronique et à l'intérieur des cellules, augmentant ainsi la cytotoxicité dans les cellules épithéliales bronchiques humaines comparativement à celle de la nicotine traditionnelle. Les e-liquides aromatisés contenant de la 6-MN ont montré une augmentation de la cytotoxicité proportionnelle à la dose par rapport à la nicotine. En outre, le 6-MN en tant que composé pur a significativement augmenté l'activité métabolique à toutes les doses testées comparativement à la nicotine. Ainsi, la 6-MN ne peut être considérée en aucun cas comme moins dangereuse (ou « safer ») que la nicotine. De plus, l'étude souligne les lacunes potentielles des cadres réglementaires actuels, qui permettent la mise sur le marché de tels produits sans une évaluation adéquate de leur sécurité.[vi]

Les premières cigarettes électroniques avec de la 6-MN semblent avoir été lancées sur le marché par l'entreprise Charlie's Holdings sous la marque Spree Bar. En réponse aux questions de Reuters sur la 6-méthyl nicotine et d'autres alternatives à la nicotine, la Food & Drug Administration (FDA) a déclaré dans un communiqué :

« Bien que des recherches supplémentaires soient nécessaires, certaines données émergentes montrent que ces analogues de la nicotine peuvent être plus puissants que la nicotine – qui est déjà très addictive et qui peut altérer le développement cérébral des adolescents et avoir des effets à long terme sur l'attention, l'apprentissage et la mémoire des jeunes. » [vii]

Une étude sur ces produits a identifié des écarts significatifs entre les constituants déclarés et mesurés des produits de cigarettes électroniques contenant des alternatives à la nicotine. Cette discordance est trompeuse pour les consommateurs et soulève des préoccupations concernant des erreurs de production. Les produits 'SpreeBar' contenaient également du néotame, un édulcorant de haute intensité stable à haute température, augmentant probablement leur attrait pour les jeunes et les premiers utilisateurs.[viii]

La marque Aroma King, dont plusieurs produits contiennent de la 6-MN, manipule le discours pour faire croire que cette substance est sans danger, alors qu’il n’y pas d’évidence scientifique pour affirmer cela. Nous avons trouvé des informations produites par Aroma King sur le site de vente finlandais Pussit.com. Le site affirme que « La fabrication synthétique, dans ce cas, est une bonne chose parce que la 6-méthyl-nicotine n'est pas dérivée du tabac ni de la nicotine. C'est donc un composé qui imite les propriétés de la nicotine naturelle, mais réduit certains risques, comme la cancérogénicité. » Cette affirmation est un mensonge absolu : ce n’est pas parce qu’une substance est synthétisée en laboratoire qu’elle n’est pas dangereuse. De plus, il n’y a aucune base scientifique pour affirmer qu’elle réduise les risques de cancer. L’image 2 montre comment Aroma King prétend se soucier de la santé des personnes en affirmant sans aucune base scientifique que la 6-MN aurait une toxicité nettement inférieure à la nicotine, ainsi ce produit « innovant » serait largement plus sûr autant pour les consommateurs âgés que pour les jeunes ! Nous n’avons pas assez de mots pour dénoncer de telles affirmations scientifiquement fausses et scandaleuses. Il est évident que Aroma King vise les jeunes pour les encourager à consommer ses produits sans se faire de soucis.

Pour le moment les autorités de santé publique ont prêté très peu d’attention aux risques des analogues de la nicotine. Toutefois, le 29 mai 2024, un groupe d’importantes organisation de santé publiques et de lutte contre le tabagisme américaines (dont la American Cancer Society, la American Heart Association, et la American Lung Association) ont écrit une lettre urgente à la Food and Drug Administration (FDA) pour dénoncer les risques liés à ces substances.[x]

Les analogues de la nicotine permettent de contourner les lois

Aujourd'hui, au moins trois importantes entreprises chinoises de cigarettes électroniques (Hangsen International Group, Zinwi Biotech et Smoore International) mènent des recherches sur des substances chimiques analogues à la nicotine. Hangsen International Group et Zinwi Biotech étudient actuellement au moins dix analogues de la nicotine, tout en reconnaissant que les risques sanitaires associés à ces substances ne sont pas encore connus.[xi]

Un avantage commercial significatif des produits contenant de la 6-MN est qu'ils permettent aux entreprises de contourner les réglementations ciblant la nicotine.[xii] Cette situation rappelle celle de l'interdiction de la nicotine utilisée comme pesticide. Aux États-Unis, la majorité des insecticides à base de nicotine ont été interdits en 2009, suivis par l'Union européenne en 2013. Après ces interdictions, l'industrie a développé une nouvelle classe de produits, les néonicotinoïdes, certains étant à leur tour interdits par l'UE en 2018. Aujourd'hui, face aux restrictions croissantes sur l'utilisation de la nicotine, notamment l'interdiction de certains produits comme les cigarettes électroniques jetables, l'industrie cherche à développer de nouvelles substances pour contourner ces interdictions.

Le droit suisse et le 6-méthyl-nicotine

Le tabac (destiné à être fumé, inhalé après chauffage ou prisé), les produits nicotiniques avec ou sans tabac destinés à un usage oral ainsi que les produits à fumer à base de plantes sont dorénavant réglementés dans la loi sur les produits du tabac (art. 3 al. 1 LPTab) en vigueur depuis le 1e octobre 2024. Toutes les cigarettes électroniques, qu'ils contiennent ou non de la nicotine, relèvent aussi du champ d'application de cette loi (art. 3 let. f LPTab).

Les produits à chauffer à base de plantes, les produits nicotiniques à priser et les produits sans tabac pour pipe à eau, comparables par leur contenu ou leurs modes de consommation aux produits du tabac, ont été désignés comme étant des produits similaires aux produits du tabac (art. 3 OPTab en lien avec l’art. 4 LPTab). Toutefois, les produits destinés à un usage oral ou nasal, aussi comparables par leur contenu ou leurs modes de consommation aux produits du tabac, mais ne contenant ni tabac ni nicotine ont été omis du champ d’application de la loi.

La notion de nicotine de la LPTab n’est pas définie par le législateur, mais désigne clairement la nicotine et ses sels extraites aussi bien naturellement qu’obtenus synthétiquement. Analogue synthétique de la nicotine qui se distingue chimiquement de la nicotine et n’est ni composé de nicotine, ni dérivé de la nicotine[xiii], le 6-méthyl-nicotine ne pourrait ainsi pas être considéré comme une forme de nicotine au sens de la LPTab. Ce n’est que lorsque cette dernière substance serait consommée par le biais de cigarettes électroniques que la loi pourrait lui être applicable, car ce mode de consommation y est toujours soumis, indépendamment de la présence ou non de nicotine dans le produit.

La consommation de 6-méthyl-nicotine via des cigarettes électroniques ne serait cependant pas concernée par les restrictions de quantités de la LPTab applicables aux liquides, soit maximum 10 ml pour chaque recharge ou 2 ml pour chaque cigarette électronique jetable et chaque cartouche à usage unique (art. 9 LPTab). Ces restrictions étant expressément limitées par la loi aux liquides contenant de la nicotine. La limite du taux de nicotine contenue dans les liquides de maximum 20mg/ml (art. 7 al. 2 & Annexe 2 LPTab) ne trouverait pas non plus application.

Encore plus surprenant au vu de son potentiel addictif, l’interdiction de la publicité (art. 18 ss. LPTab) et de la remise aux mineurs (art 23 LPTab) ne s’appliquerait également qu’au 6-méthyl-nicotine consommée par le biais de cigarettes électroniques mais pas aux autres formes de consommation.

Comme exposé ci-dessus, les produits à usage oral ou à priser qui ne contiennent ni tabac ni nicotine ne sont pas soumis à la LPTab et, par conséquent, de tels produits sans nicotine traditionnelle ni tabac mais contenant de la 6-méthyl-nicotine n'entrent pas non plus dans le champ d'application de cette législation.

Paradoxalement, ces produits non soumis à la loi sur les produits du tabac sont imposés en tant que produits de substitution par la loi sur l’impôt sur le tabac au même titre que les tabacs manufacturés (art. 3 OlTab en lien avec art. 2 LTab). Les cigarettes électroniques jetables sont également imposées par la loi indépendamment de leur teneur en nicotine (art. 10 al. 1bis let. b LTab) alors que les liquides pour les cigarettes électroniques rechargeables ne contenant que du 6-méthyl-nicotine seraient exclus de l’impôt (art. 10 al. 1bis let. a LTab).

Contrairement à la législation suisse, la notion de nicotine définie dans la Directive sur les produits du Tabac 2014/40/UE (art. 2 let. 19) englobe explicitement tous les alcaloïdes nicotiniques dans le cadre réglementaire et de ce fait, le 6-méthyl-nicotine y serait soumis[xiv]. Les cigarettes électroniques importés en Suisse sous le principe Cassis-de-Dijon devraient ainsi respecter les limites de quantités et de volume fixées par l'UE (La LPTab a repris ces mêmes limites. Voir ci-dessus).

Ces limites sont fixées pour la nicotine en fonction du potentiel addictif bien étudié et par conséquent connu de cette substance. La question se pose de la pertinence d’appliquer ces mêmes limites au 6-MN dont le potentiel addictif est inconnu mais pourrait être encore plus élevé que celui de la nicotine.

La mise sur le marché des objets qui, du par l’usage qui leur est destiné, entrent en contact avec le corps, les dents ou les muqueuses sont soumis à la loi sur les denrées alimentaires (art. 2 & 5 let. b LDAl). Selon celle-ci, seuls les produits sûrs peuvent être mis sur le marché (art. 15 al. 1 LDAl) et l’ajout à ces objets de substances ayant un effet pharmacologique, telle que la nicotine, et partant également le 6-méthyl-nicotine, est interdit (art. 61 al. 2 ODAlOU).

Les produits destinés à un usage oral ou nasal contenant du 6-méthyl-nicotine, qui ne relèvent pas du droit sur les produits du tabac, seraient donc en principe interdits par le droit sur les denrées alimentaires et les objets courants. Toutefois, en application du principe Cassis-de-Dijon, l'importation de ces produits est possible s'ils sont légalement commercialisés dans un membre de l'UE ou de l'EEE et qu’ils ne figurent pas sur la liste négative établi par le Conseil fédéral sur la base de l’article 16 LETC. Aucune exception de cette liste ne concernerait le 6-méthyl-nicotine (art 2 let. c ch. 13 & 14 OPPEtr).

Les substances et préparations chimiques peuvent être mises sur le marché sous le principe de l'autocontrôle sans autorisation administrative préalable. Toute nouvelle substance doit être enregistrée (art. 6 LChim), sauf si, entre autres exceptions, elle est déjà répertoriée dans le registre REACH de l'UE ou, entre autres exceptions, importée en quantité de moins de 1 Tonne par an et par importateur (art. 26 al. A let. c OChim).

Le 6-méthyl-nicotine est enregistré uniquement dans le registre selon le règlement (CE) nº 1272/2008 relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances et des mélange (CLP) sous sa nomenclature IUPAC mais ne figure pas dans le registre REACH.

Clairement, le 6-MN échappe largement aux règles de protection des consommateurs et consommatrices ainsi qu’à celles de protection de la jeunesse ancrées actuellement dans la législation suisse.

Présence sur le marché des produits contenant de la 6-Méthyl-nicotine

Des produits de la marque Spree Bar contenant de la 6-MN ont d'abord été lancés sur le marché américain en 2023. Le site de cette marque prétend clairement que ses produits ne nécessitent pas d'autorisation de la FDA et peuvent donc être vendus librement.[xv] Aujourd'hui, à la suite des actions de l'administration Trump, il n'est pas clair si une agence telle que la FDA sera encore en mesure de réguler ou contrôler quoi que ce soit. Le site de Spree Bar souligne également que, comme la métatine n'est soumise à aucune taxation, les produits de sa marque sont donc beaucoup moins chers sur le marché. Cela révèle une stratégie claire visant à contourner les restrictions sur la nicotine, complétée également par un élément que nous n'hésitons pas à qualifier de fraude fiscale.

En 2024, la 6-MN est apparue massivement sur le marché européen grâce à l’entreprise Aroma King, qui a enregistré la marque NoNic dans l’UE et les USA.[xvi] La présence de plusieurs produits avec de la 6-MN a aussi été détecté sur le marché australien, qui avait réussi a réguler de manière exemplaire la vente de cigarettes électroniques jusqu’à présent.[xvii] Désormais ces produits sont en vente sur plusieurs sites internet, avec l'indication "0 mg (5% nicotine effect)" alors que sur le produit il est écrit "No Nic 20mg effect". Les cigarettes électroniques jetable NoNic de Aroma King dépassent aussi toujours les limites européennes de volume de e-liquide de 2ml, comme le Aroma King NoNic Galaxy 15000 puffs qui a un réservoir de 18ml.

On trouve sur internet la mise en avant de la "Nouvelle molécule NoNic" comme argument commercial. Les indications "No Nic" ou "0% nicotine" sont trompeuses et mensongères. Le produit contient simplement une autre forme chimique de nicotine. Cette nicotine synthétique, présente également sous forme de sel, ne peut pas être considérée moins addictive ou moins dangereuse que la nicotine traditionnelle. Comme déjà mis en avant précédemment dans notre texte, la 6-MN et les autres analogues de la nicotine ne sont pas étudié scientifiquement concernant leurs dangers pour la santé et pourraient présenter des risques encore plus graves que la nicotine traditionnelle autant dans leur potentiel d'addiction que dans leur toxicité.

Nous rappelons également que la capacité en liquide d'un système jetable doit être au maximum de 2ml de liquide, qu'il contienne de la nicotine ou pas. Le pod jetable de 18ml du produit Aroma King Nonic Galaxy permet de produire 15000 Puffs. Nous avons déjà dénoncé les cigarettes électroniques à système fermé avec des réservoirs supérieurs à 2ml comme étant illégales en Suisse depuis 2014, selon la Directive européenne de 2014.[xviii] Cette interdiction a été reprise et confirmée par la nouvelle LPTab.[xix]

Sur le site amazon.fr nous trouvons un autre produit, le Aroma King Nonic Galaxy 20mg effect 20000 Puffs. Comme le précédent, il affiche un avertissement sur le devant de l'emballage, qui nous laisse pour le moins perplexes. En effet, l'avertissement souligne en premier lieu que "Ce produit ne contient pas de nicotine", mais de manière assez incohérente poursuit en indiquant que « La nicotine crée une forte dépendance ».

Pour ce qui est du site suisse de Aroma King nous n'avons pas encore trouvé des produits avec de la 6-MN. Nous soulignons ici qu'on peut déjà acheter facilement ces produits contenant de la 6-MN sur d'autres sites internet européens et que nous ne pouvons pas exclure qu'ils soient déjà en vente sur le marché suisse (mais notre association n'a simplement pas les ressources pour conduire une surveillance approfondie des produits mis sur le marché). La marque Aroma King est bien présente en Suisse, avec son propre site de vente, mais aussi avec des produits vendus par Coop. Nous soulignons encore que ces produits échappent en ce moment à la nouvelle taxation sur la nicotine dans les cigarettes électroniques.

Des sachets de nicotine avec de la 6-méthyl-nicotine

Le marché des sachets de nicotine connaît une expansion très forte, et certains pays envisagent également de les interdire. Au sein de l'Union Européenne, les sachets de nicotine ont été largement utilisés pour contourner l'interdiction du snus, qui est légal uniquement en Suède pour des raisons historiques. Désormais, certains pays européens ont déjà interdit les sachets de nicotine (comme la Belgique) ou ont annoncé leur intention de le faire (comme la France et la Pologne). Ainsi, développer des sachets contenant des analogues de la nicotine représente une autre manière de contourner les législations.

C'est surtout la marque Aroma King qui revient sur le devant de la scène. Ses sachets sont présentés comme étant « NoNic », mais il est affirmé que le NoNic est cinq fois plus puissant que la nicotine traditionnelle (20 mg de NoNic sont présentés comme l'équivalent de 100 mg de nicotine).

Un site anglais présente la substance contenue dans les sachets Aroma King comme « NoNic® is a non-toxic, non-addictive and non-psychoactive substance, and has an effect like nicotine. Patented substance. ».[xxi] Sur un autre site anglais, PodPlug, les boîtes Aroma King Super Kick Nonic sont présentées comme « Have the same nicotine buzz without the nicotine, this brand new revolutionary product is much less toxic, non-addictive and stimulates the same effect. »[xxii] Sur une autre page du même site, il est clairement indiqué que « NoNicTM is a non-toxic, non-addictive and non-psychoactive substance, and has an effect just like nicotine. It can be used in both disposable e-cigarettes and nicotine pouches. »[xxiii] Ce site mentionne comme référence un abstract présenté dans une conférence. Il faut souligner qu’il s’agit d’une conférence organisée chaque année par l’industrie du tabac, la Tobacco Science Research Conference.[xxiv] L’abstract en question n’a jamais fait l’objet d’une publication scientifique et il est impossible de savoir qui exactement a financé cette recherche. Nous considérons les affirmations concernant le fait que la 6-MN n’est pas addictive ni dangereuse comme simplement scientifiquement fausses et mensongères.

Pour le moment, ces produits sont principalement en vente sur des sites web anglais ou européens, à des prix avoisinant 4 ou 5 euros pour une boîte de 25 sachets. Il est possible de les commander en ligne sans difficulté et de les faire livrer en Suisse. Nous observons également leur présence dans des vidéos françaises sur TikTok qui les font ouvertement la promotion comme étant des produits sans nicotine, non addictifs et non psychoactifs, présentés comme idéaux avant un match de football ou un effort physique !

Notons que l’entreprise Aroma King est une compagnie crée en 2019, basée à Katowice en Pologne, avec une présence dans plus de 50 pays et une vaste gamme de produit dons elle clame avoir vendu plus de 100 millions d’unité. L’entreprise semble se concentrer surtout sur le marché européen, qui connait une croissance annuelle du 30% dans le marché des sachets de nicotine.[xxvi] En Suisse, elle dispose de son propre site de vente mais ces produits sont également distribués par la Coop.

Continuelle présence de produits illégaux sur le marché suisse

Au courant de l’année 2024, nous avons dénoncé à plusieurs reprises la présence massive sur le marché suisse de cigarettes électroniques totalement illégale ainsi que l’inaction des autorités de santé publique.[xxvii] Nous avions identifié plus de 100 sites web vendant des cigarettes électroniques jetables dépassant les volumes légaux de 2 millilitres de e-liquides contenant de la nicotine. Après l’entrée en vigueur de la nouvelles LPTab le 1er octobre 2024, force est de constater qu’à la date présente, la plupart de ces sites web continuent de vendre des produits contenant des volumes de liquides dépassant largement les normes légales.[xxviii] Par exemple, le produit " Aroma King 5500 Metallic Pink Orange Fizz 20mg" possède un réservoir de 10ml de e-liquide, soit 5 fois plus que la norme légale de 2 ml.

De nombreux autres sites web continuent de vendre de tels produits, comme le site WeVappy, qui vend par exemple des Puff Gear 10000 Strawberry Kiwi Vozol - 10000 Puffs – Jetable, pour le prix de CHF 24.90, avec un réservoir de 20 millilitres, soit dix fois plus que le volume légal de 2 millilitres.[xxix]

Si aucune mesure effective n’est prise pour faire respecter une loi très claire, comment pouvons nous espérer une action contre les analogues de la nicotine ?

Conclusion : Nécessité urgente d’interdire tout produit contenant des analogues de la nicotine

Les produits contenant des analogues de la nicotine, tels que la 6-MN, ont été développés pour contourner les législations en vigueur dans différents pays. Les entreprises qui commercialisent ces produits tentent souvent d'échapper à ces réglementations, en ciblant principalement les jeunes consommateurs avec des stratégies de marketing qui suggèrent à tort que l’absence de nicotine (NoNic) rend ces produits sans danger. Les risques pour la santé et le potentiel addictif de ces analogues restent largement méconnus, mais il est plausible qu'ils soient au moins aussi préoccupants, sinon plus, que ceux associés à la nicotine traditionnelle. En l'absence de données scientifiques solides sur leurs effets addictifs, notamment chez les jeunes, ainsi que sur leurs dangers pour la santé, il est irresponsable de permettre la commercialisation de tels produits. Les entreprises devraient être tenues de prouver l'innocuité de ces produits avant de les autoriser sur le marché.

Nous demandons aux autorités fédérales d'intervenir d'urgence pour clarifier la situation concernant ces substances et leurs utilisations, en stipulant qu'elles doivent être totalement interdites à la vente, notamment en raison des principes de protection de la jeunesse et du principe de précaution face aux risques qu'elles présentent.